Savoir rebondir en ces temps de crise sanitaire est cer­tainement l’une des clés pour passer la tempête économique. Le CERTAM (30 salariés; 4 M€ de chiffre d’affaires), centre de recherche technologique sur la mobilité propre et la qualité de l’air, installé depuis 1990 sur le site du Madrillet à Saint-Étienne­ du-Rouvray (Seine-Maritime), a choisi d’orienter une partie de son activité vers la certification de masques, à la suite de la chute des commandes en recherche & développement du monde auto­mobile, spécialité du laboratoire normand. « L’activité automobile est très affectée par la crise, mais dès 2019, l’automobile a arrêté de passer des commandes. La diver­sification de nos activités est essentielle pour nous en sortir », assure Frédéric Dionnet, direc­teur général du Certam, qui pré­cise avoir dû prendre des mesures pour « réduire les frais et mainte­nir les emplois ».

RECYCLAGE INDUSTRIEL

Industrie du pétrole, maritime, mesures de polluants, aérosols pour les domaines du luxe et de la cosmétique: le laboratoire a
trouvé des relais de croissance dans différents domaines. Dernièrement, pour répondre à la crise, il s’est positionné pour la certification de masques, après avoir répondu à l’appel d’offres de la Direction générale de l’ar­mement (DGA). Une forme de
recyclage industriel, puisque le Certam a adapté ses compé­tences et appareillages pour l’au­tomobile aux masques grand
public. « Nous sommes devenus tiers compétent pour l’État, pour caractériser les masques. Nous mesurons la respirabilité et le taux de filtration des masques qui nous sont envoyés. Pour cela, nous utilisons du matériel de filtration et aérosol particulaire que nous employons habituellement pour les filtres automobile », explique le directeur général. 

RETOURS D’EXPÉRIENCE RÉEXPLOITABLES

Alors qu’ils ne sont que trois laboratoires à venir en support de la DGA, le Certam comptabi­lise déjà plus de 200 clients sur sa nouvelle activité de tests de masques, essentiellement des Français, mais aussi des clients en provenance de Pologne,
Espagne, ou encore Taïwan… « Aujourd’hui, c’est un vrai relais de croissance avec 8 % de notre chiffre d’affaires. »

Un marché d’opportunité qui offre une bouffée d’oxygène au Certam et ouvre des perspec­tives. « Ce nouveau marché nous permet de créer des liens avec de grands industriels du textile qui ont des besoins en équipements de protection individuelle et
R & D. Et les retours d’expérience que nous engrangeons dans le domaine des masques nous nourrissent pour nos recherches autour des filtres à air automo­bile. », se félicite Frédéric Dionnet. 

RECONNAISSANCE EUROPÉENNE

Le Certam n’en a pas pour autant abandonné son activité principale autour de l’automobile, en instal­lant un banc d’essai moteur élec­trique pour les industriels, et surtout en développant un nouvel outil de mesure de polluants embarqué dans les véhicules, et reconnu par le centre de recherche européen JRC laboratoires de l’Eu­rope àlspra (Italie). Un projet qui fait suite au « dieselgate », contre lequel l’Europe a voulu réagir, pour éviter les techniques visant à réduire frauduleusement les émis­sions polluantes de certains des moteurs Diesel et essence lors des tests d’homologation, avec l’ob­jectif d’être capable de réaliser des mesures en condition d’usage réel. Mesurer les polluants et le C02 en embarquant le laboratoire dans la voiture, c’est le problème tech­nique résolu par le Pems-lab développé par le Certam. « C’est une version très évoluée qui per­met de mesurer une trentaine de polluants avec une cadence d’ac­quisition et une précision élevées. Notre outil permet aussi de mesurer de nouveaux polluants irritants pour les poumons et non réglementés aujourd’hui», explique le directeur général.

L’achat par le centre de recherche européen JRC de son laboratoire portatif offre une belle vitrine au centre de recherche normand ainsi que de nouvelles perspectives de développement : « Cette reconnaissance par l’Europe peut nous ouvrir complètement le marché des mesures de polluants, et nous sommes les seuls à avoir un Pems-lab qui mesure autant de produits », souligne Frédéric Dionnet. À la clé, un marché potentiel de plusieurs centaines d’unités, d’un coût compris entre 250 000 et 300 000 euros, à destination des constructeurs automobiles.

 Sébastien Colle — Le Journal des Entreprises, Décembre 2020